mardi 20 décembre 2011

Esmeralda

Pour ceux que cela intéresse, vient de paraitre Esmeralda, un roman d’aventure écrit entre l’Argentine et le Nicaragua. Il se passe dans ce dernier pays, sur la costa miskita, les Caraïbes d’Amérique Centrale. La résultante d’un vieil amour pour cette côte tellement sauvage, originelle, et ma religieuse lecture de Stevenson et son «Essai sur l’Art de la Fiction», qui n’a pas pris une ride en cent cinquante ans. J’espère ne pas avoir seulement annoné ses leçons. Je vous laisse juge.
Je donne le lien direct de l’éditeur mais on peut le trouver aussi sur Amazon, Chapitre.com, etc...




samedi 17 décembre 2011

Noumea

La vie pour moi sur le Caillou a toute la monotonie du quotidien. Je dois parfois me convaincre que je suis dans une île du Pacifique tant il est facile de se croire en France. En France et sur un continent. L’île est grande, très grande, surtout quand on vient des Tuamotus où il est quasiment impossible de perdre la mer de vue. 
Quant à la population, il existe ici un antagonisme que je n’ai pas ressenti en Polynésie. Il m’a fallu plus d’un mois avant d’entendre parler Kanak. C’est comme si ce peuple avait été tellement réduit qu’il ne parlait plus sa langue qu’en chuchotant, quand aucune zoreille n’est à portée. Les polynésiens parlent librement leur langue, l’emploient au quotidien. Ici, il m’a fallu me concentrer pour entendre le Kanak, à l’arrét de bus ou ailleurs. C’est comme s’ils en avaient honte. Le type qui m’employait, ici depuis plus d’un an, ignorait même qu’il y ait jamais eu une langue kanake, alors que les français ne sont arrivés ici qu’ au milieu du XIXième siècle, quand il se cherchaient un autre bagne que Cayenne pour déporter les révoltés, de Paris ou d’Alger ou d’ailleurs.
Travaillant sur un chantier, j’ai rencontré les trois, ou plutôt les quatre composantes de la population de Nouvelle-Calédonie. Les caldoches (les pieds noirs du coin), les kanaks, les wallis (polynésiens de Wallis et Futuna, des gros gabarits comme les mecs des Australes ou des Fidji) et les zoreilles dont je fais officiellement partie (blancs de métropole).
Franchement, je préférais être un popa qu’un zoreille. Le mot a une connotation plus sympathique. S’il y a une chose que j’ai apprécié en Polynésie, c’est leur indépendance d’esprit. «On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui» disait Desproges. A Tahiti je pouvais rire de tout avec n’importe qui. Pas ici. Du coup mes potes me manquent. Les deux Alex, Taka, les vahinés du Teamo, les joueurs d’échecs du parc Bougainville... La Mélanésie m’apparait comme un repoussoir face à la Polynésie mais c’est probablement que nous obéissons tous à la loi des contrastes et aux erreurs de parallaxe. Ici, j’ai rencontré Basile, Gaby et d’autres. Gaby est maçon, indépendantiste, sage, avec en plus une touche rastafari et des images du Che Guevara sur sa camionette.
Basile est cariste, puissant, travailleur, avec un beau profil assyrien, une gentillesse et cette tranquillité de ceux qui sont profondément ancrés en terre.  Ces deux-là me suffisent pour dire que nous sommes de la même espèce, que ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous sépare,  que je suis chaque jour un peu plus fatigué du racisme dont il semblerait que personne ne soit complètement exempt. Je pense qu’il se passera encore beaucoup de temps avant que quiconque puisse officiellement se déclarer simplement être humain et citoyen du monde, sans se faire lapider dans la minute qui suit.
Au fait, «kanak» est justement un mot polynésien. Il signifie «homme libre»...