mercredi 17 août 2011

Rangiroa, Tuamotu

Noix de coco, mode d’emploi.  
Il existe quatre stades distincts dans sa maturation: Quand elle est verte, elle est gorgée d’eau. On la décapite, on boit, on s’en met partout mais qu’est-ce que c’est bon! Elle a très peu de chair à l’intérieur mais celle-ci est gélatineuse, absolument délicieuse. 
Quand elle est jaune, il reste de l’eau mais la chair s’est formée (l’amande). Elle est alors parfaite pour préparer le lait de coco, ce qui n’est pas une mince affaire: Il faut d’abord enlever toute l’enveloppe extérieure, la bourre. Quand on a enfin son amande à peu près propre, on perce un trou pour récupérer le liquide, puis on la coupe en deux et on rape le coco, qu’on mélangera ensuite avec le liquide. On passe le tout à travers un drap pressé et on a son lait. Ajoutez-y un peu de sel, un fruit de l’arbre à pain cuit sous la braise et de la chair de poisson, cru ou cuit, et on a un festin de roi. Le tout se mange avec les doigts et bien sûr, on s’en met partout. Temps de préparation: Au moins deux heures si la pêche a été bonne. 
Quand elle jaune et est germée, c’est ecore le plus facile. Il suffit de la fendre et on a une boule légèrement poreuse, comme un de ces bonbons qu’on trouvait dans les boulangeries. Se mange sans faim. Miam.
Quand elle est grise et qu’elle a encore de l’eau (et pas de trou sur le coté signalant le passage d’un rat) alors on la ramasse pour le (gasp) coprah. D’abord, il faut bien évidemment les rassembler, ce qui n’est pas le plus rapide. Les polynésiens utilisent des bâtons terminés par des crochets pour ne pas avoir à se baisser, des petites gaffes qui leur servent aussi à lancer les cocos et je dois dire qu’ils sont étonnament précis (il y a un concours de lancé de coco pendant la Heiva). La manière de faire se situe quelque part entre la pétanque et le cricket. 
Quand on a son bon gros tas de coco, c’est le moment de prendre la hache. Une rapide prière à sainte Eglantine, la patronne des doigts de pieds, et tchac! Et encore tchac! L’idée, c’est de fendre la noix d’un seul coup, de préférence au centre pour avoir deux moitiés bien ouvertes avec la chair accessible.
C’est l’idée. J’ai fait un vrai massacre la première heure. J’ ai réduit ces pauvres noix en bouillie. Maintenant je m’affine, j’arrive à peu près à taper au centre mais il y a le fameux «coup sec» que visiblement je ne maitrise pas. Certaines sont encore gorgées d’eau et ça m’ EXPLOSE à la figure. On s’en met partout, mais qu’est-ce qu’on rigole! De plus, à chaque fois je dois extirper la foutue hache, enfoncée jusqu’à la garde dans un coco qui refuse à s’ouvrir.
Bien. Une fois qu’on a toutes ses noix fendues on les ramasse et on andenne pour les faire sécher deux ou trois jours. On monte des petits murs, bonjour les reins, avec les noix ouvertes comme des coquilles de moules les unes sur les autres. Puis on se redresse satisfait, en se disant qu’on a gagné deux jours de répit.
Que nenni. Une cocoteraie, ça se nettoie. Toutes ces palmes grises ne font pas jolies dans le paysage et il faut un sol dégagé. Pas de «gourmands», de mauvaises herbes ou de repousses pour profiter d’un sol déjà très pauvre. On veut des cocotiers épanouis, qui laissent tomber leur manne avec l’insouciance que donne l’abondance.
Une fois que nos noix sont raisonnablement sèches, on attrape une sorte de grosse cuillère affutée qui sert à extirper la chair, de préférence en un seul morceau. C’est le coprah, qui va servir à faire des huiles et des parfums.
On s’assied, on se cale, son mur de coco en face de soi, et vas-y Gaston! En trois coups de cuillère à pot, comme disait ma grand’mère. Les champions qui se mesurent à la Heiva arrivent à fendre et vider deux cents cocos en douze minutes. J’ai préféré ne pas compter, mais un chiffre similaire a bien dû me prendre toute la journée. J’ai de gros progrès à faire.
Quand enfin on a terminé, qu’on s’est débarassé des bourres, qu’on a tout nettoyé et qu’on a mis le copra à sécher au sol sur des sacs, on peut enfin aller piquer une tête dans l’eau cristalline du lagon et là, là, c’est carrément divin. La parfaite température. La parfaite fluidité. Même le sel est bon à prendre.
Allongé sur ma couche de fortune, le dos en vrac, les mains bouillantes d’ampoules, tout les muscles qui tirent, je me dis que tout ceci n’aura pas été inutile. J’e me plais à  imaginer que, quelque jour, une belle enduira son corps somptueux de cette huile abondamment arrosée de ma sueur, et j’en éprouve une rebondissante satisfaction.