Nous sommes passés au large des Cook et devrions atteindre les Tonga dans deux jours. Contre toute attente, notre allure est mainenant au près avec un vent de nord-ouest. Avec l’équinoxe nous arrive des informations contradictoires de la météo sur les différentes formations en jeu dans cette zone. On peut s’imaginer deux titans, deux barbus omnipotents jouant distraitement au go, avançant sur le tablier du Pacifique pions blancs et noirs, anti-cyclones et dépressions, et nous autres là en dessous, minuscules, essayant de zigzaguer entre les pièces...
Dans un de ses savoureux proverbes marins, Jean nous en avait prévenu. Voyant de beaux cirrhus rougeoyant dans le couchant, il s’était écrié: «Ciel échevelé et queue de jument font serrer la voile aux bateaux les plus grands.» Le lendemain, déjà bien incertain, l‘oracle se fit encore plus précis: «Soleil en hauban dans le couchant, marin, prépare ton caban!»
Tu parles... La nuit même, les grains se sont succédés. Depuis, la girouette a montré les quatre points cardinaux, il a fallu sans cesse changer la voilure et l’allure, avec des alternances de calme plat et de grains montant jusqu’à trente noeuds. On a eu droit à l’essentiel de la rose des vents, sauf, sauf celui de Sud-Est censé être notre pain quotidien dans cette traversée. Les alizés ne sont plus ce qu’ils étaient.
Je ne peux résister à l’envie de citer un autre de ses proverbes (mon préféré): «Ciel pommelé et femme fardée ne sont pas de longue durée». A bon entendeur...