jeudi 28 avril 2011

Colon, Panama

Le marin du XXIième siècle n'a plus grand chose à voir avec ses prédécesseurs. Quand il arrive à l’escale, même après des mois de privations, peu lui chaut les bordels à dix sous et les bars de mala muerte. Une seule chose l'intéresse: La WI-Fi. Il a son laptop ou son notebook, il veut avant tout com-mu-ni-quer. Avec sa doudou, avec ses potes, recevoir les dernières cartes marines, la météo... il ne choisit pas son ancrage suivant les vents ou les courants, il veut juste pouvoir se connecter. 
Décevant, quelque part, d'autant que ses confidences de quart de nuit, ses combats avec les krakens, ses tempêtes de force 15, il en réserve la primeure à des gens qui sont à l'autre bout du monde, pour peut qu'il y ait suffisamment de bande passante, bien sûr. Ses propres équipiers n’ont droit qu’aux banalités, au tout-venant, au quotidien. Ce qui lui reste de jus quand la différence horaire est trop importante avec ceux qui suivent son périple de si loin que les constellations n’y sont pas les mêmes.
Ah, le fier barbu machouillant sa carotte de tabac en regardant l’horizon d’un air de doute! Où est-il donc passé?  Le loup de mer taciturne qui sent les courants comme on respire une fleur? Le matelot à pompon et vareuse serrée qui ne sait plus trop s’il est à voile où à vapeur? La brutasse aux doigts tatoués qui vous assomme d’un coup de cabillot à a première contrariété?
Non, Décidemment, le marin du XXIième siècle est résolument high-tech et  d’une sobriété de chameau, tant pour ses moeurs que pour sa conversation. A l’escale, on le reconnait facilement: C’est le type bronzé assis seul à une table face à son ordinateur...