vendredi 20 mai 2011

Océan Pacifique

Ce matin en me levant je n’ai pu que constater le changement de cap. Je suis allé m’isoler un moment à l’avant, de peur que mes paroles dépassent mes pensées. Nous n’allons pas aux Galapagos. Il y a trois jours C** m’a dit qu’il était probable que nous n’y allions pas, arguant des vents et des courants. Depuis le vent s’est incliné au Sud-Est et nous y amenait tout droit. Trois jours que je guette sans arrèt le GPS à compter chaque nautique qui nous amène plus au Sud. Hier soir, le cap était au 210. Même en comptant la dérive, on allait droit sur le point préétabli deux semaines plus tôt. Quand la nuit est tombé, le vent aussi. Une mer d’huile. 10 heures au moteur nous aurait fait passer l’Equateur et attraper enfin les alizés. Florent et moi attendions, prèt à la maneuvre. Le capitaine a effectivement mis le moteur mais juste une heure pour recharger les batteries, et sans mettre la propulsion. Sans mettre la propulsion! Nous nous sommes regardés sans comprendre. Devenait de plus en plus évidente sa volonté de ne pas aller aux Galapagos. Pourquoi? Je n’en sais rien et ne veux pas le savoir. Ce que je sais, c’est qu’il manque à sa parole. Je n’ai pas fait mystère en embarquant du fait que pour moi les Galapagos étaient la destination première.
Alors je débarque aux Marquises, si jamais on y arrive. Ses pauvres choix jusqu’à présent et son manque de décision ne me rassurent pas sur ses qualités de navigateur. Quinze jours pour arriver à hauteur des Galapagos, c’est déjà cinq de plus que les prévisions les plus pessimistes. Heureusement qu’il y a Florent à bord, qui lui au moins sait de quoi il parle, même s’il est depuis longtemps blasé et ne remet plus en cause même les diktats les plus absurdes de C**.
J’ai fait mon quart de nuit dans un état d’exaspération permanente. Pas un brin de vent, le bateau dérivant mollement vers le Nord, faisant claquer les voiles, à l’abandon. Le capitaine dormait du sommeil du juste.
Je m’aperçois maintenant, ce que je soupçonnais déjà depuis quelques temps, que je n’ai pas embarqué sur le bon bateau. Maintenant, il reste au moins vingt jours jusqu’aux Marquises, plus si le capitaine persiste à tergiverser. (Quelle confiance accorder à un homme de 43 ans qui appelle son père tous les matins pour lui demander conseil?) alors autant prendre mon mal en patience et ne pas pourrir l’ambiance plus qu’elle ne l’est déjà.