samedi 21 mai 2011

Océan Pacifique

Ce matin je me lève, sors la tête dehors. Une houle de plusieurs mètres, un gîte de trente pour cent, le pont sous le vent qui engouffre de l’eau, des vagues qui se brisent sur l’étrave et m’aspergent d’embruns. Je baille, me gratte les fesses et redescend me préparer un café, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Deux semaines plus tôt, un tel pandémonium m’aurait exalté et effrayé à la fois. Aujourd’hui, cela ne m’arrache qu’un baillement. Ah, tiens, la mer est formée, ce matin...
Depuis plusieurs jours, un jeune fou de Bassan se pose sur le bout dehors, la delfinière,  et se laisse porter. Il disparait à la nuit - je suppose qu’il dort en mer en se laissant flotter - mais il revient au matin et se tient sur le garde-fou (de circonstance), s’envolant de temps en temps pour faire un cercle autour du bateau ou chasser les poissons-volants. J’admire son aisance et son insouciance. Maintenant que je sais que je ne resterai pas sur le My Way, j’aimerais bien faire de sa folie la mienne, pouvoir passer ainsi de bastinguage en gréement, de pont en pont, et traverser les océans. 
Les fous quand ils volent sont d’une élégance suprême. J’aime particulièrement quand ils virent au près serré et qu’ils touchent l’eau du bout de l’aile en passant dans le creux de la vague. Je ne sais s’il existe un être sur cette planète qui soit plus apte à voler et à plonger. Quand ils se précipitent à la verticale de leur proie, on a l’impression que l’eau implose sous l’impact. Pas une goutte ne s’en échappe. A les voir, comme à voir les dauphins, je me sens encombré de mon corps et de mes menbres mais c’est tout ce que j’ai en boutique alors je fais avec. Et puis pour me consoler, je me dis que pendant que ce jeune con ira pondre ses oeufs sur un rocher couvert de guano au milieu de ses bruyants congénères, moi au moins je continuerai à naviguer...